Mont Maudit, Arête Kuffner

Samedi 11 juin 2022, avec Christophe, Nico et Aurel, nous avons parcouru la classiquissime arête Kuffner du Mont Maudit (4465 m). Nous avons longtemps hésité avec le couloir Gravelotte à la Meije mais les conditions de neige semblaient trop défavorables. On a préféré bétonner.

Notre nouvel objectif reste une entreprise audacieuse, d’autant qu’il a bien neigé sur le massif du Mont Blanc la semaine précédant notre ascension …

Départ de la baie des Anges tardif vendredi 10 juin, on chope de justesse le dernier Skyway pour Torino, ouf ! La météo annoncée splendide semble se confirmer et on a le temps de bien profiter sur la terrasse du refuge avant de se mettre dans la queue du diner. Toujours cette vue géniale sur la belle de Peuterey qui alimente quelques débats enflammés dans l’équipe.

Premier service, génépi et c’est parti pour 5h heures de dodo.

Levé 1h, on partage le petit déj’ avec une autre cordée qui part pour la même course que nous, ça fait déjà 4 avec celle, indiquée par le gardien, qui petit déjeune à 2h.

Départ 1h45 pour nous, on met le mode auto et en route vers le cirque Maudit.

On navigue d’une trace à l’autre ; traversée du Géant, approche du Grand Capucin puis celle du bivouac de la Fourche. Nous quittons celle-ci pour rejoindre notre couloir à 45° qui constitue l’attaque directe de la Kuffner. Nous sommes les premiers à la rimaye, on voit les cordées du bivouac de la Fourche arriver au loin et d’autres encore de Torino … Il va y a voir du monde dans le secteur aujourd’hui !

On revoit un peu l’encordement et c’est parti pour faire chauffer les mollets ! La rimaye est inexistante, nous évoluons d’abord dans une neige meuble pète cuissots, je me dis que ça va être déjà long pour atteindre le haut du premier collu. Bien fortuitement, au bout de quelques décamètres, c’est le come back de la neige couic, la favorite des alpinistes, et nous engloutissons la fin de l’approche.

Arrivés sur notre arête dans la pénombre, il y a cette ambiance austère de la nuit en haute montagne, c’est prenant. Derrière des cordées se sont intercalées entre les copains et nous, ça va être dur de se revoir avant le sommet ! L’arête est bientôt toute illuminée par son ballet de lucioles.

De nuit le cheminement au départ n’est pas si facile à lire, surtout lorsqu’on a pris de la distance avec le topo, et on louvoie entre des côtes et couloirs pour venir buter sur le premier ressaut un peu raide.

Ca se corse encore un peu en lecture d’itinéraire pour le franchir. J’optionne pour cheminer plutôt main droite, c’est plus en rocher et ça paraît moins raide et plus protégeable.

Erreur ! Une fois dans le passage, c’est quand même bien vertical, grimpant et le crux est en mauvais rocher … Je triple-bétonne celui-ci avec tout l’attirail : câblé, broche cravaté et Friends, car il n’est pas complètement exclu que le bloc à solliciter ne se désolidarise de sa matrice. Plus de peur que de mal, ça passe et je fais monter Christophe. Nous prévenons les autres cordées que le passage est probablement plus à gauche. Apparemment trop tard, il semble qu’une partie de la chenille de frontales se soit engagée dans la variante Bailet / Stephan.

La suite est plus roulante, nous retrouvons l’arête par un système de bandes de neige expos mais en bonne neige. Nous avons un peu creusé l’écart en lambinant dans le passage délicat.

Sans vraiment cravacher, nous nous retrouvant seuls à faire la trace sur notre belle arête du jour, je retrouve un peu les sensations de l’arête du Brouillard parcourue quelques semaines auparavant.

Si d’aventure on lève un peu les yeux, on a l’extrême privilège d’observer les premières lueurs du jour flirter avec les sommets mythiques de l’arc alpin. Aiguilles du Diable à gauche puis Grandes Jorasses au centre, en arrière plan les sommets de la couronne impériale, le Cervin (petite pointe à droite des Jorasses), et le massif du Mont Rose, la visibilité est énorme aujourd’hui, dingue !

Le timing est pas mal, on arrive à l’androsace, ce grand gendarme planté au milieu de l’arête.

Il est possible de le grimper, nous restons sur l’itinéraire classique qui le contourne par la gauche. Il ne faut pas chercher à trop descendre dans les pentes, plutôt rester dans la neige près du rocher, un court passage grimpant équipée d’une corde fixe et nous voici dans les pentes qui remontent sur l’arête.

Une petite désescalade périlleuse plus tard et nous retrouvons le soleil. La grimpe sur fond d’androsace est plaisante. En allant chercher le petit couloir dérobée à main droite, on trouve même quelques petits ancrages en glace pas dégueulasses du tout.

La fin de course déroule plus et c’est le retour des mollets qui fument.

L’arête sommitale est d’un caractère … c’est superbe. Le travail du vent sur l’ancienne trace forme des sculptures assez sympathiques. Derrière, avec plus de hauteur, on voit apparaître le Grand Combin et le Cervin est maintenant nettement visible.

Allé, une dernière pente de neige, on bascule versant SW et nous voici au sommet !

Bravo Christophe ! Il est 8h30, on a quand même pas trop chômé et la question du Grand Blanc se pose … On a pas chômé certes mais on est bien entamé ! Bon la dernière benne est à 17h30, ça laisse quand même de la marge. Au risque d’une atroce souffrance, la folie l’emporte sur la raison et nous optons pour la solution « offensive ». Un petit texto aux copains et nous voilà repartis en direction du col de la Brenva !

Il nous faudra pas loin de 3h de plus pour atteindre le toit de l’Europe … en mode escargots d’altitude sur la fin mais on croite un deuxième Mont Blanc pour Christophe, dément ! Il est 11h30, faut descendre du machin maintenant …

Un temps attiré par une descente vers le Gouter ou les Grands Mulets pour éviter la face chargée du Maudit, nous validons finalement la descente par les 3 Monts. En effet, malgré un iso 0 haut, le vent a permis de conserver une atmosphère assez fraîche et la face a été monstre tracée, même si ce n’est pas toujours un gage de sécurité, ça semble quand même relativement safe.

La descente est en super conditions et nous profitons de l’esthétisme de celle-ci malgré la fatigue. Ci-dessous le passage du col du Maudit.

Et puis le passage des séracs …

L’exposition au mauvais sérac qui m’avait un temps inquiété en début de saison (non visible ci-dessous) est vraiment très courte et ne semble pas vraiment plus dangereuse que les autres voies normales du Mont Blanc.

Encore le Tacul à descendre et c’est l’heure de la remontée à l’aiguille du midi, ce petit raidar qui a vu flanché les plus vaillants alpinistes. Nous tenons bon et retrouvons les copains à 16h avec en perspective une belle 3ème mi-temps avant de reprendre la route le lendemain.

Encore une belle journée dans la montagne, condis au RDV. Bravo à Chris, Nico et Aurel, un team qui marche fort !

 

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