Marc, toujours porteur des très bonnes idées, a cette fois-ci le désir de vivre l’aventure au cœur de la grande histoire de l’alpinisme mercantourien. En ce dimanche 9 avril 2023, nous rendons donc visite à l’un des itinéraires les plus marquants du massif : l’arête sud-ouest de la grande aiguille de Pelens (2523m) dite voie du 16 août 1905.
Marc désescalade les rochers des chèvres (2448m) dans un terrain encore nettement mixte en cette saison :
A toutes fins utiles, voici le topo extrait du guide Paschetta des Alpes-Maritimes, notez que les cinq petites lignes consacrées à la description de l’itinéraire sont particulièrement minimalistes. Comme nous, n’hésitez donc pas à demander l’aide d’un ami avant de vous lancer dans l’aventure :
La marche d’approche est presque trop rapide tant elle se déroule dans un lieu de toute beauté : le cirque du clôt de l’Aï. Nous nous sommes garés à la balise 251 (1759m) puis avons remonté le ravin du clot de l’Aï jusqu’à la brèche des chèvres. Les paysages sont superbes. La neige fait son apparition à l’entrée du cirque, au milieu d’un mélézin clairsemé :
Nous longeons l’impressionnante muraille nord-ouest des aiguilles de Pelens. La plus grande d’entre elles, notre objectif, est à droite sur la photo, cachée derrière le pic caractéristique de la testa d’Aï :
Dans cette paroi, au moins trois itinéraires ont été tracés, un mixte et deux rocheux. Le plus évident d’entre eux est la belle goulotte de ‘Glacemania’. Ce matin, contre toute attente, la glace est bien là :
Voici le topo de cette goulotte sauvage dessiné par le guide Thibaut Tournier qui a parcouru l’itinéraire en solitaire en 2011 :
La seconde, ‘la voie où la main de l’homme n’avait jamais mis le pied… et ne le mettra pas souvent!’ se déroule au droit de la testa d’Aï, le pic rocheux caractéristique ci-dessous :
Pour d’éventuelles futures répétitions, sait-on jamais, voici le tracé et le topo du cheminement réalisés par l’ouvreur Stéphane Benoist :
Reste la troisième voie tracée dans la partie gauche de cette austère muraille nord-ouest. Il n’y a que trop peu d’informations à son sujet pour pouvoir vous en dire d’avantage. Elle a été ouverte en deux ou trois fois par le guide local et ami Grégory Marsal accompagné, en partie, par la guide Marine Clarys.
Que de beaux projets « ascensationnels » en perspectives ! Mais pour l’heure revenons à nos moutons, ou plutôt à nos chèvres… L’accès à leurs rochers (2448m), point de départ de notre escalade proprement dite, s’effectue par un long couloir de 300m. En ce début de printemps, le terrain est encore neigeux ce qui n’est pas pour nous déplaire quand on connaît sa réputation en mode estival :
C’est un soleil radieux qui nous accueille chaleureusement au débouché du couloir d’accès à la brèche des chèvres :
Nous nous équipons au sommet des rochers des chèvres. L’ambiance y est déjà très aérienne au-dessus de la vallée du Var :
Derrière Marc, la longue crête sud du Cairas (2681m) avec le puy du pas Roubinous (2516m), théâtre de l’odyssée du Grand Coyer (2693m) décrite dans l’incontournable livre-topo « Alpes-Maritimes, randonnées alpines, 250 sommets » :
Devant nous le première obstacle de la journée, l’aiguille de Pracleron que nous contournerons par la droite à ses deux tiers :
Après avoir dépassé la brèche de Pracleron séparant l’aiguille hyponyme des rochers des chèvres, nous grimpons la première longueur sur un calcaire du Crétacé supérieur (Turonien à Santonien). Antithèse absolue d’un calcaire verdonesque, nous le qualifierons pudiquement de… particulier :
Eh monsieur… c’est plutôt assez beaucoup raide pour du III, êtes-vous sûr de votre chemin ?
Marc attend son tour avec impatience sur les rochers des chèvres :
Puis, c’est parti ! Histoire de se chauffer un peu et surtout de se mettre en confiance, c’est avec et dans du second degré que Marc commence l’escalade par une désescalade (ça ne s’invente pas…). Le passage est facile mais délicat car quelque peu verglacé :
R2 est le relai du contournement. Nous y quittons l’arête sud-ouest pour basculer en face sud-est :
Marc arrive à R2 :
Le contournement de Pracleron commence par une désescalade d’une dizaine de mètres avant de traverser puis, in fine, de remonter sur une épaule caractéristique (R3) au droit de la brèche du saut. Cette profonde brèche sépare Pracleron de la grande aiguille de Pelens.
Le contournement de Pracleron vu de R2 avec en arrière plan la grande aiguille de Pelens, paroi qu’il faudra en grande partie… désescalader, si si !!!
Le même contournement mais cette fois-ci vu de R3 (épaule au-dessus de la brèche du saut), le rocher est encore pire que ce que les photos veulent bien laisser paraître :
De l’épaule, une troisième désescalade d’une dizaine de mètres nous dépose avec un certain mordant à la brèche du saut. Drôle de nom pour un lieu comme celui-ci, car la dernière chose que l’on ait envie d’y faire est bien de s’autoriser quelques libertés avec dame gravité. Marc dans la désescalade de la brèche du « non-saut espéré » :
Pour le relai de la brèche du saut (R3bis), comme pour tous les autres d’ailleurs, il faudra savoir bricoler. En effet, même ici, les tentatives trop intrusives d’artificialisation des sols ont tourné court, trop forte c’te Greta !
Le couloir nord de la brèche du saut est impressionnant, quelle ambiance !
Au-dessus de la brèche du saut, nous commençons l’escalade de la grande aiguille de Pelens par LA longueur immanquable du Mercantour (L4). Son cheminement des plus astucieux mais aussi des plus audacieux vaut vraiment le détour :
Ci-dessous, la fameuse photo des premiers ascensionnistes au sommet de cette longueur clef. La première des règles en alpinisme, si tant est que l’on puisse parler de règles, est de ne pas tomber. Ceci vaut pour le premier de cordée bien sûr, mais de tout évidence pour le second également :
Marc, à la brèche du saut, s’apprête à rentrer dans l’histoire sur les pas de Plent, De Cessole, Bernart et Brossé. Heureusement pour nous, en 2023, ce passage sera franchit en mode 4 et non pas en mode 2 comme nos anciens de 1905. Les « experts », les stagiaires attentifs du SA et les suisses comprendront.
Le IV historique est donc grimpé avec une bonne dose d’admiration envers les pionniers. Nous prenons le temps d’en profiter :
La longueur suivante, notre cinquième, est plus classique le long d’une cheminée évidente, non seulement très ludique à grimper mais aussi dotée d’un rocher un peu meilleurs que putride :
La sixième et dernière longueur permet de rejoindre l’arête sommitale le long d’une seconde cheminée évidente. L’escalade est réellement agréable :
Sur l’arête sommitale, à quelques mètres du point culminant, Marc effectue un tout petit pas au-dessus du vide qui est en réalité un pas de géant vers la perpétuation de l’alpinisme classique dans le Mercantour :
Les deux chanceux du jour au sommet de la grande aiguille de Pelens (2523m), mais quel pied !
Le retour s’effectue principalement en désescalade. Juste après le pas au-dessus du vide, il faut plonger côté sud-est dans une raide et profonde cheminée. Au sommet de celle-ci, dans sa fameuse lutte contre l’artificialisation des sols (à moins que ce ne soit celle des esprits…), notre Christophe Profit local a une nouvelle fois œuvré en faveur d’une perfectibilité rousseauiste d’Homo Alpinisticus. Ainsi, l’appel du vide aura été incoercible pour le relai sur goujons tout neufs qui venait d’y être planté. Sans mauvais jeu de mots, ça tombe plutôt bien ! La désescalade d’antan sans rappel fonctionne parfaitement :
Au pied de cette cheminée, un rappel de 30m (telle était la longueur de notre corde) donne accès à une nouvelle section de désescalade. Celle-ci est terriblement raide et aérienne mais, heureusement, peu difficile en réalité. Marc en confiance mais sans excès dans cette descente d’escaliers un peu particulière :
Cette désescalade permet de prendre pied dans le couloir sud-est issu de la brèche du saut et de retrouver l’itinéraire emprunté à l’aller.
Vous l’aurez compris, nous avons été très emballés par cette voie historique du 16 août 1905 !!! Nous ne pouvons que vous la recommander si vous êtes désireux de parfaire l’Homo Alpinisticus qui sommeille en vous.
Pour ce parcours, nous avons utilisé 2 jeux de friends C4 BD #0,3 à #2 + un #3 + deux micros et une corde de 2x30m (2x50m plus confortables pour un rappel menant directement dans le couloir sud-est de la brèche du saut sans désescalade).
Un énième merci à toi Marc pour cette superbe course de caractère !