Voyage d’escalade en Jordanie.
Wadi Rum: un lieu qui m’appelle depuis des années!
De belles lignes d’escalade sur un rocher aux couleurs et aux formes étonnantes : seule la métaphore permet de décrire certaines formations et tout un nouveau vocabulaire se créé de jour en jour au gré des rencontres minérales.
Néanmoins, la ligne de fissure reste la trame de toutes ces « histoires verticales ».
Encore une fois les expressions vont bon train et en parler me donne l’impression de réciter du Prévert : « c’est large, puis à doigt, d’abord en écart, puis en verrous! Parfois tu dulférises, mais c’est physique… tu te coinces à nouveau quand ça s’élargit en cheminée, tu rampes, tu ramones et tu te protèges au fond, numéro 5 obligatoire et bandages sur les mains! »
Ah! l’explication de texte ne serait pas triste… heureusement, ces fissures sont souvent amies et acceptent nos babioles métalliques en les serrant bien dans leurs machoires de rocher.
Et c’est rassuré par nos artifices que nous pouvons y exéctuer nos chorégraphies préférées…
Arnaud dans la splendide fissure de « The Beauty« , une des voies incontournables des lieux. Et cerise sur le gâteau, la marche d’approche dans un dédale de canyons est largement à la hauteur de la beauté de la voie! Et cette journée réserve encore des surprises, mais je ne peux pas tout vous dire…
Arrivé fort tard à Rum, notre prise de contact débute par une nuit sous une tente bédouine. Mais nous sommes bien loin du romantisme des milles et une nuit: notre voisin direct, le coq du poulailler a décidé de nous faire payer notre arrivée tardive… et quand le sommeil arrive enfin, le muezzin, lui aussi, en a décidé autrement… Ah… l’exotisme.
Plaisanteries mises à part, l’accueil est très chaleureux et notre hôte, Moslam, nous a enchanté par son humour et sa convivialité!
Les premiers jours nous grimpons les classiques recommandées par Nico. Ce dernier nous rejoindra avec deux compagnons, Arnaud et Christophe et c’est à cinq que nous terminerons le voyage
Au dessus, Arnaud, dans le magnifique dièdre de Flight of Fancy; la fin de cette voie ne manque pas de piquant avec une belle traversée exposée pour rejoindre les rappels d’Inferno. A droite, un collègue italien justement dans la 4ème longueur d’Inferno.
Nous avions parcouru Inferno le jour de notre arrivée et c’est d’ailleurs une excellente entrée en matière! L’escalade y est soutenue mais rappelle le style que nous connaissons en calcaire. Cette voie est à vingt minutes à pied du village, à la base de la majestueuse face est de East Dome.
Le Jebel Rum règne en maître sur la vallée; ses reliefs complexes et labyrinthiques en font un fantastique lieu d’excursion. On s’y perdra sans doute … un luxe finalement assez rare à notre époque! Ci dessous, notre errance sur cette belle montagne.
A la montée, la corde n’a pas été inutile et nous avons même tiré quelques longueurs que des bédouins jadis parcouraient en solo pied nus; ces itinéraires, qu’on dénomme « voie bédouine » m’ont réellement fasciné! Je trouve très exaltant de parcourir ces chemins du vertige empruntés par de courageux chasseurs depuis bien longtemps.
Et c’est avec dérision que je me voyais « sur-équipé » de friends et de cordes … même si parfois je critique la sur-protection de notre société, je n’en suis qu’un pur produit et mes artifices de grimpeur m’ont vraiment semblés indispensables!! Autres lieux, autres moeurs, une véritable occasion de se questionner…
En milieu de séjour, aussi inattendu que cela puisse paraître: la pluie. Un bonne pluie qui dure une partie de la nuit. Nos projets d’escalade sont remis à plus tard, le grès mouillé devenant particulièrement incertain. C’est l’occasion de faire un peu de tourisme et d’aller visiter Petra, veritable carrefour « lonely planet » où tous les visiteurs de la Jordanie passent à un moment ou à un autre.
J’avoue m’y rendre avec curiosité et sans grand enthousiasme. Mais quelle ne fut pas ma surprise. Le site est grand, immense. Et si la foule s’amasse devant quelques vestiges, les possibilités de ballade et de flânerie ne manquent pas.
Nous, nous grimpons sur les rochers ; d’autres les ont creusés, sculptés, pour en faire des temples, des maisons, des ornements ou des canalisations. Ce rapport primordial à la roche me fascine et c’est avec beaucoup d’intéret que nous avons fureté dans les recoins du site.
De retour à Rum, avec quelques excellentes pâtisseries achetées sur la route, nous reprenons nos activités « grimpantes » avec le pilier de la sagesse : une très belle course dans le niveau 5, suivie d’une descente très astucieuse dans le dédale du Jebel Rum (par la voie bédouine Hammad’s route). Nico, devant nous file comme un avion avec ses compagnons et s’offre même le sommet du Jebel.
Le lendemain, nous partons tous les cinq dans Barrah Canyon pour deux journées d’escalade. Moslam nous y conduit avec son 4×4 et nous laisse de quoi faire un bivouac quatre étoiles! Le site est magnifique, par contre un vent violent rend l’escalade un peu plus pénible.
Avec Arnaud, nous ferons Merlin et Les rumeurs de la pluie. Le deuxième jour, en attendant Moslam, nous nous excitons sur une couenne en fissure et un homme très agé, sorti du désert comme par enchantement, s’approche de nous avec de tous petits enfants et leur montre notre équipement et nos « jeux ». Nous ne nous comprennons pas, mais cette furtive rencontre illumine nos yeux bien tirés par la fatigue.
Ci-dessus, Arnaud dans la quatrième longueur de Merlin: l’escalade est bien raide et « extérieure » sur d’excellentes prises crochetantes; la voie suit une immense fissure dans laquelle on se protège facilement. Définitivement « world class »!!
Au retour de Barah Canyon, Nico, Arnaud et Christophe prennent la route de l’aéroport d’Amman. Arnaud et moi avons encore une journée sur place et nous en profitons pour se « délecter » d’une voie bédouine sur le Jebel Khazali, guidé par notre ami Moslam.