Annapurna : face sud 2010
Spéciale dédicace à Mister Kato!
Voici le compte-rendu en images de l’expédition 2010 à la face sud de l’Annapurna.
Petit récapitulatif des voies existantes :
A – Annapurna 1 sommet principal 8091m
B – Annapurna 1 sommet central 8053m
C – Annapurna 1 sommet Est 8013m
1 – Voie Bonington de 1970, sommet le 27 mai 1970 par Dougal Haston et Don Whillans.
Plusieurs répétitions, surtout Japonaise, toujours en style himalayen.
2 – Tentative Béghin-Lafaille de 1992.
Pierre Béghin y trouva la mort dans les premiers rappels de la descente en arrachant un relais.
Jean-Christophe Lafaille effectua une retraite complètement hallucinante….car sans corde!!
3 – Voie Japonaise automne 1981.
Dans leur tracé les Japonais indiquent qu’ils rejoignent le sommet principal.
4 – Voie Polonaise printemps 1981
5 – Voie Catalane automne 1984 par Nil Bohigas et Enric Lucas.
Seule ascension de la paroi en style alpin!!
Alex Mac Intyre et René Ghilini y firent une tentative l’automne 1982 où Mac Intyre trouva la mort.
Nous voilà avertis!!!
Fort heureusement pour les enfants nous n’avons pas de temps à perdre avec ce genre de divertissement.
Yannick file au Ministère du Tourisme pour régler les formalités….5000$ d’autorisation.
Mieux vaut garder le sourire!
Sur la route entre Kathmandou et Pokhara un rocher est tombé sur la route.
Pour un roc c’est un roc!!
10km de bouchons, 3 jours d’attente.
Nous abandonnons rapidement notre bus pour passer à pied et reprendre un bus de l’autre côté!
Sur le trek qui mène au sanctuaire des Annapurnas, les Népalais vivent paisiblement
et souvent modestement.
…et comme partout les enfants s’amusent!
Nous on se fait rincer par cette fin de mousson bien active!
Seule consolation, dans la jungle nous avons échappé aux sangsues!
Enfin le miracle, du ciel bleu au moment où le monstre se dévoile.
Après un repérage du camp de base, le surlendemain nous sommes rejoints par les porteurs.
Dans ce terrain instable et sous la pluie, pour les porteurs les plus faibles il faudra un gros effort
pour atteindre le camp de base.
Chargés entre 25 et 30kg, les meilleurs s’en sortent bien…
…et même en sandales!!
La paye avant le retour.
Nos 13 porteurs avaient entre sixteen et sixty years old.
Dur métier!
Incroyable porteur en sandale, qui malgré une charge de 35kg, sur les rochers instables et mouillés
puis dans les herbes glissantes, est arrivé le premier au camp de base!
Toujours trempés jusqu’aux os, avant de nous quitter les porteurs nous gratifient d’un
chaleureux adieu.
Le lendemain matin le beau temps est arrivé, la mousson semble terminée.
Le camp de base à 4330m, le pied de la face est loin…très loin!
Du camp de base si on regarde de l’autre côté, d’où on vient, nous avons une superbe vue sur
le Machapuchare 6993m, qui signifie queue de poisson en Népalais.
C’est un sommet sacré qui à priori n’a jamais été grimpé.
En 1957 une équipe britannique a eu une autorisation.
Deux membres de cette expédition, Wilfrid Noyce et David Cox grimpèrent par la face nord jusqu’à
environ 50 mètres du sommet, mais ne terminèrent pas l’ascension.
En effet, ils avaient promis de ne pas mettre pied sur le sommet.
Après cela, la montagne fut déclarée sacrée et interdite aux grimpeurs.
Acte I
Après un jour de repos et d’organisation du camp de base, nous partons nous acclimater 4 jours
en direction du bas du Bonington.
Il faut d’abord trouver le cheminement sur les glaciers très complexes.
Nous installons un 1er bivouac vers 5100m.
Le lendemain comme quasiment tous les matins, il fait beau.
Nous en profitons pour observer et méditer sur LA face.
Le 2ème bivouac, situé à 5600m.
Le 3ème jour nous prenons de la hauteur.
Yannick dans le bas du Bonington vers 5950m.
Le début de la voie Bonington est d’un niveau PD+/AD-
Yannick vers 6000m.
Le col à 6100m où nous avons passé notre 3ème nuit.
Derrière moi de gauche à droite, le Gangapurna 7454m (2ème plan), le Singu Chuli 6501m (1er plan),
massif et au centre de la photo l’Annapurna III 7555m, puis le splendide et peu connu Annapurna II 7937m (dernier plan)
et juste à droite le plus facile et presque classique Annapurna IV 7525m.
De l’autre côté du col, de gauche à droite le Hiunchuli 6441m puis les sommets de
l’Annapurna South 7219m, le vrai sommet est au bout de l’arête de neige à droite.
Le 4ème jour nous retournons vers le camp de base, la vue sur le Machapuchare 6993m
est magnifique.
La vue est époustouflante!
Le Tharpu Chuli 5663m, c’est la petite pyramide plutôt noire droit au-dessus de Yannick.
C’est le sommet classique du Sanctuaire de l’Annapurna, le niveau est Peu Difficile (PD).
Le Machapuchare 6993m.
Acte II
Après 2 jours de repos nous repartons 8 jours pour tenter l’Annapurna South 7219m.
Notre Camp de Base étant désaxé ; nous embauchons nos cooks pour nous aider à porter, en chemin
nous passons à côté de cet abri de berger.
Pour venir à cet endroit les moutons doivent marcher 2 heures sur un glacier!
5500m.
Les pieds nickelés en vacances.
1er bémol : nous avons oublié la tente!
Fatigué par la longue journée de marche qui nous amenée là, à la nuit tombante, nous nous sommes
posés comme ça.
Heureusement cette nuit-là il n’a quasiment pas neigé.
Le lendemain Yannick est retourné jusqu’au Camp de Base alors que je l’ai lâchement attendu à la
sortie du glacier.
Tout ça pour s’apercevoir que la tente était juste à côté de moi car elle avait roulé quelques mètres
en contre-bas lorsque nous avions récupéré les charges des cooks.
Le 3ème jour nous reprenons notre ascension.
On voit bien l’arête horizontale où nous allons dormir et toute l’arête que nous allons remonter vers
l’Annapurna South à droite.
Après avoir fait une bonne trace sur le glacier, nous faisons un peu d’alpinisme d’un niveau AD+
Derrière-nous, de gauche à droite :
Le Tharpu Chuli 5663m, c’est la petite pyramide plutôt blanche et au-dessus de l’herbe,
les sommets qui se découpent sur l’horizon sont le Gangapurna 7454m (sous le 2ème tout petit nuage),
l’Annapurna III 7555m, puis le sommet le plus alpin que nous ayons vu dans le secteur environ 6500m
et l’Annapurna IV 7525m et juste à droite la superbe pyramide blanche et altière de l’Annapurna II 7937m (dernier plan)
Dans le début de l’ascension, la trace à faire est toujours sévère.
Nous effectuons le début de l’ascension décordé.
Plus haut nous allons nous assurer dans une longueur plus raide.
20 années de bivouacs divers et variés n’auront pas été superflu!
Il a fallu tout notre savoir-faire pour trouver et terrasser le meilleur emplacement et s’il vous plait garder
la croûte de neige dure pour nous protéger des 50km/h de vent d’Ouest!
Le 4ème jour nous partons pour une arête un peu plus difficile que la célèbre arête Kuffner,
nous avons évalué cette portion à D+….
….entre autre à cause de ce long passage d’une heure trente en mushrooms effrayants.
Afin de parfaire notre acclimatation, sur ce plat vers 6500m, nous allons passer 2 nuits.
Le sommet derrière la tente à droite c’est le Hiunchuli 6441m.
S’acclimater n’est pas un vain mot!!
En faisant encore une grosse trace le 6ème jour nous montons à 6950m.
Nous avons allégé notre peine en grimpant un passage plus raide en glace 4.
Au col, on aperçoit le haut de la face Sud de l’Annapurna I 8091m.
Les petits points blancs dans le ciel sont des particules de neiges arrachées par le vent.
Bien abrité du vent, notre 6ème bivouac, à 6950m.
La vue est devenue grandiose!
De droite à gauche le Hiunchuli 6441m, le Machapuchare 6993m, 2 sommets que nous n’avons pas
clairement identifié, blanc le Manaslu ?? 8163m et sombre ??
Ensuite l’Annapurna II 7937m et confondu avec le précédent l’Annapurna IV 7525m.
Le sommet de l’Annapurna South 7219m est ENFIN à portée de main!
A droite la face sud du Dhaulagiri 8167m montre le bout de son nez.
Toujours les même sommets que vous commencez à connaître!
Au 1er plan le long cirque neigeux que nous avons remonté en venant de la gauche du sommet de
gauche pour atteindre le vrai sommet de l’Annapurna South 7219m.
Les mêmes avec un peu plus de vent.
C’est toujours un grand moment d’émotion : le sommet!
Au centre la face sud du Dhaulagiri 8167m.
La vue est exceptionnelle, à droite à travers les nuages on devine la jungle 6500 mètres plus bas.
La face Sud de l’Annapurna I 8091m, à gauche à peine isolé à gauche la caractéristique
canine Fang 7647m (Baraha Shikhar)
Au retour, nous avons une sympathique remontée de 70 mètres de dénivellé.
Après un 7ème bivouac sur le glacier à 5500m, le 8ème jour nous revenons au camp de base.
Une semaine de repos, puis une 2ème semaine à attendre que le mauvais temps passe et que le vent
se calme également, nous avons tout le loisir de perfectionner notre technique pour caïrner l’itinéraire
entre le camp de base et les derniers lodges du sanctuaire.
Au lodge, entre 2 pizzas nous faisons une rencontre insolite : Robert Paragot en version népalaise!!
Acte III
Comme souvent notre expédition touche à sa fin et la météo semble s’améliorer…
So British!
Mon sac étant archi-plein, je suis obligé de mettre mon baudrier.
Au camp de base avancé 5200m, l’attention de Yannick semble bien accaparée!!
C’est que la face sud demande une attention constante!!
Sans l’avoir vécu, c’est difficile d’imaginer la somme de doutes que représente une telle entreprise!
Nous avons mis du temps à le murir mais ça y est notre objectif est clairement défini :
Nous avons choisi l’éperon des Japonais certainement avec de nombreuses variations car on ne sait
pas exactement où passe leur voie.
L’escalade semble grandiose et à cet endroit la paroi présente peu de risques objectifs.
Derrière le Machapuchare 6993m ferme fièrement la vallée.
Cette jolie mer de nuages ne nous inquiète pas particulièrement!
Et pourtant…!
La perturbation finie de s’évacuer, dans la nuit nous avons pris 15/20cm de neige.
Après pas mal d’hésitations nous nous décidons pour faire un tour au pied de la face…
Les lumières magnifiques…
…ne dispensent pas de faire la trace!
4h30 du camp de base avancé à la rimaye.
Du pied, la paroi ne parait pas ses 2300m!!
On dirait le Pélago, non!?
Au départ nous avons encore de nombreuses hésitations.
Finalement nous franchissons la rimaye car nous avons repéré un petit éperon qui parait sûr.
A 10h du matin le mauvais temps revient!!
Cette fois il va durer 15h et poser 30/40cm de neige!
De part et d’autre de l’éperon c’est Roissy Charles de Gaulle, c’est donc que notre emplacement
de bivouac vers 6100m est sûr!!
Encore une fois nous pensons arrêter l’ascension….
Pourtant, la suite de l’éperon paraissant toujours sûre, nous décidons de continuer.
Ce 2ème jour, vers 6400m, nous allons trouver un emplacement également bien protégé.
L’après-midi le mauvais temps durera moins longtemps.
Le 3ème jour vers 6700m, pour obtenir les précieux mètres carrés nécessaires à l’installation de la tente,
nous allons passer pas mal de temps à terrasser une fine arête de neige.
Comme d’habitude nous faisons tout cela sous la neige.
Le 4ème jour, pour rejoindre notre ligne d’ascension nous repartons par une longueur en traversée horizontale.
Yannick en tenue d’himalayiste.
Bien sur la barbe fait partie de l’équipement!
11h, le beau temps est encore là.
Yannick dans un passage à 85/90°, ce sera notre dernière longueur.
Au-dessus, il faut grimper des difficultés certainement très proches de la mythique « No Siesta » dans
la face nord des Grandes Jorasses!!
Trivialement, la voie peut à mon sens se découper ainsi :
– 5800m à 6500m : 700m de difficulté AD/D en fonction des conditions.
– 6500m à 7500m : 1000m de difficulté ED.
– 7500m à 8053m : 550m de difficultés difficiles à évaluer entre D et TD !?
Grâce aux nombreuses lunules que nous avons pu faire nous sommes descendus
en rappels, 1100m en 4h30.
Le mot de la fin je le laisse à Yannick :
Nous voici de retour à Katmandou après une course folle depuis notre retraite de
la face sud de l’Annapurna vers 6800m : il y a seulement 3jours de cela….
D’abord le 22 octobre le jour de notre départ dans la face, nous nous sommes réveillés sous la
neige!
Difficile décision d’aller juste jeter un oeil à la rimaye 600m plus haut.
Puis finalement, il n y avait pas trop de coulées de neige même avec la chaleur de 9h du mat.
Donc nous nous sommes engagés dans la paroi et avons trouvé un petit éperon bien protégé…
Seulement les nuages se sont repointés dès 10h avec de la neige.
On a un peu grimpé dans le mauvais temps et on s’est donc installé pour un bivouac en sécurité
à 6000/6100m 300m après la rimaye.
Chutes de neige pendant 15h!!!
40cm de neige, on s’est dit demain fissa en bas.
Puis beau temps le lendemain matin.
L’éperon étant sûr pour quelques centaines de mètres encore, on a poursuivi sans trop d’enthousiasme
jusqu’à ce qu on trouve un nouveau bivouac encore plus sûr que le 1er alors sous les nuages et juste avant
la neige de midi on s’est réinstallé 300m plus haut…seulement.
Il a neigé seulement 15cm!
La face dépassant constamment les 50° la neige se purge automatiquement, donc nous avons passé une nuit correcte
suspendus sur une plate forme juste assez grande pour notre tente 2 places.
Le troisième jour, le 24 octobre (mon anniversaire), assez enthousiaste il n’y a eu qu’une averse de 3h dans l’après midi.
Mais encore une fois on s’est installé sur l’étroiture d’une arête neigeuse, les pieds un peu dans le vide (oups),
et surtout dans la tempête et le froid.
On a en prime cassé un arceau de la tente.
On était alors à 6700m.
Au petit matin du 25, il faisait de nouveau grand beau et après un départ tardif pour sécher nos affaires, boire et
manger quelque chose, nous avons enchainés quelques longueurs hallucinantes de glace et mixte dans du rocher ocre.
Devinez quoi, et bien à midi ces satanés nuages qui semblent être les vrais amants de la face sud
de l’Annapurnna enveloppaient déjà les reliefs autour de nous.
Là, j’ai pété un câble vu notre lenteur et les éléments qui nous empêchaient toute progression
régulière tout au long de la journée.
J’ai gueulé : « Maintenant j’en ai marre on se casse! On descend tant pis pour le challenge. On rentre prendre notre avion à temps.
De toute manière on n’aurait au plus grimpé qu’un ou deux jours de plus, avec des mauvais bivouacs à la clef.
Les difficultés et la raideur ne faisant que commencer…
Me voici donc ici, a Katmandou, pour vous écrire et vous dire d’abord :
peut-être il y aura une saison 2.
Quel itinéraire magnifique Stéphane(surtout lui) et moi avons imaginé et partiellement découvert,
dans cette face sud mythique de l’Annapurnna.
A bientôt je rentre demain. Yannick.
superbe aventure et merci pour ce long récit!
Si j’ai bien compris, il y aura peut-être un essai dans les prochaines années…
Grandiose, merci pour ces images et cet effectivement long récit bien détaillé, comme si on y étais. Et doublement frustrant avec une patte cassée.
Bravo pour cette belle histoire mais heureux de vous savoir en sécurité…
A bientôt Stéphane et merci pour ta carte ; ça nous a fait vraiment plaisir.
Repose-toi bien, tu as l’air très fatigué sur une des photos.
Lionel
pffff!!!tafiolle
non j’déconne !ça donne bien envie votre sport!!et vous avez fait le plus dur : faire demi tour……….. bravo
salut steh
belle aventure bravo belle photo , contant de te voir au printemps pour en discuter
A+ pat
très beau reportage et bravo d’être bien rentrés
comment ca s’est passé au niveau de l’altitude et du froid?
Bonjour Thierry,
pas très froid cette année, en tout cas nettement moins qu’en 2006. -15°/-20° à 8000m au lieu des -30° habituels!!
Par contre pour l’altitude on a eu l’impression d’être moins en forme que sur les expéditions précédentes!! C’est bête car l’objectif était plus physique que jamais!!
Comment faire Docteur??
Aucun regret car les créneaux météo n’étaient pas avec nous mais la prochaine fois faudra qu’on soit mieux………….!!
Bravo pour les photos Stephane, et surtout merci d’avoir partagé tout ça avec nous ! Franchement, on en redemande…
Compte-rendu sympa, c’est clair que ça n’a pas déroulé! Le test du bivouac protégé à 6000 et des brouettes montre une grosse dose d’engagement….
Sinon pour la forme, Steph, le Doc va te dire d’arrêter tes co…ries, et Uéli Steck lui te dirais de t’entraîner sérieusement 😆
Yep,
Ici Bastien l’alsacien, on s’était croisé au camp de base de l’annapurna. Bon, j’avais bien descendu le courrier à Pokhara comme promis ! C’est cool de voir (avec beaucoup de retard !) des images de l’Annapurna, et dommage pour le sommet…
En espérant se recroiser un de ces quatre au détour d’une montagne ou d’une falaise !
@+
Bravo(en retard, certes!) mais j’ai trouvé votre façon d’écrire avec les photos tellement passionnant !…
Merci pour ce récit en tout cas…