Né le 19 juillet 1957 à Thiers - Mort le 28 avril 2004 sur l'arête du Täschhorn au Dom.
Depuis plus de cent ans, l’alpinisme niçois a toujours été très bien représenté. Chaque génération a eu son lot d’alpinistes remarquables tant sur la scène locale que dans le reste des Alpes et souvent même de l’Himalaya.
Tout commence fin XIXème autour de 1890 grâce à Victor de Cessole qui réalisa de très nombreuses premières ascensions dans le Mercantour. Il utilisa très souvent les services du brillantissime guide Jean Plent.
Le point d’orgue de leur carrière est certainement la première ascension du Corno Stella 3050m le 22 août 1903.
A partir des années 20, Jean et Georges Vernet, R. Toumayeff, Jean Charignon marquent la génération suivante, avec de nombreuses ouvertures marquantes. Dans le Mercantour mais surtout en Oisans. L’arête rouge en face sud des Ecrins reste encore de nos jours une ascension sérieuse, R. Toumayeff, Jean Vernet en 1926.
En 1947, Karékin Gurékian s’est distingué par la 5ème ascension de la Walker en face nord des Grandes Jorasses, quasiment à la journée. Sélectionné pour la fameuse expédition nationale à l’Annapurna de 1950. Un accident en 1949 à l’Aiguille du Peigne mis fin à sa carrière d’alpiniste. Il se consacra à la section randonnée du CAF de Nice.
Jeanne et Jean Franco, avec l’ouverture du Pilier Sud des Ecrins en 1944, et pour Jean la direction des expéditions au Makalu en 1954, succès en 1955 et le succès au Jannu en 1959. A noter la direction de l’ENSA à partir de 1957.
Claude Kogan a eu un destin incroyable, sa biographie : « première de cordée » par Charlie Buffet est un livre de montagne incontournable ! Claude Kogan a réalisé de nombreuses ascensions dans les Alpes mais on retiendra surtout ses aptitudes en altitude qui lui ont permis de réaliser la première du Nun 7135m en 1953.
Sa mort en 1959 au Cho Oyu 8201m alors qu’elle dirigeait la première expédition entièrement féminine sur un haut sommet, en fait une véritable icône de l’alpinisme féminin.
Michel Dufranc, s’est distingué avec la réalisation des premiers passages en 6c bloc à Fontainebleau à la même époque que Robert Paragot. Sa plus grande réalisation s’est passée en 1953 avec la première de la Walker « à la journée » avec Lucien Bérardini.
Michel Feuillerade, a marqué l’histoire des premières grandes ascensions hivernales avec notamment l’ouverture de la voie des guides du 08 au 15 février 1967 en face nord des Drus, la première hivernale de l’intégrale de Peuterey au Mont-Blanc en décembre 1972, et l’ouverture de la très peu parcourue et extrêmement difficile « directe de l’amitié » en face nord des Grandes Jorasses en janvier 1974.
Des années 60 à nos jours, comment ne pas citer, Franck Ruggieri, Didier Ughetto, Jean Gounand et Gérard Thomas qui s’inscrivent de façon un peu moins marquante que les précédents dans les pages de l’histoire de l’alpinisme, mais qui ont tellement marqué l’histoire locale par leurs réalisations, leur enthousiasme et leur savoir-faire !
Patrick Bérhault représente la quintessence de tout ce passé historique ! Grâce à un entrainement physique très soutenu et un mental véritablement hors norme il révolutionne le niveau en escalade mais surtout l'approche de la montagne en développant un style d'action fondé sur la rapidité. Le style Bérhault est né.
A partir de la fin des années 70 il fait donc exploser les standards de l’escalade et de l’alpinisme. D’une part, de l’escalade libre en Europe en libérant le bombé de Pichenibule dans les gorges du Verdon, 7b+ en 1979 puis en libérant la Haine 7c+ à la Turbie en 1981.
Et d’autre part, de l’alpinisme avec notamment l’ascension de la face nord des Droites en solo en quelques heures et en compagnie de
Patrick Edlinger l’hivernale de la voie des plaques en face nord de l’Ailefroide dans un temps époustouflant.
A la question : que représente Patrick Bérhault dans votre imaginaire ?
Une partie du mythe Bérhault m’impressionne encore sur :
- les cotations très méchantes qui ont laissé des traces durables dans le 06.
- les quelques voies qu’il a équipé et qui font peur car engagées, et sur des parois dont le style d’escalade est retord !
- les solos en rocher. Comme il a très peu communiqué sur ce sujet les réalisations dans ce domaine sont souvent floues.
Ce qui participe activement du mythe Bérhault !
Le plus important me semble ailleurs. En effet pour moi Patrick Bérhault, c’est du réel ! Ce que je retiens surtout :
- ce sont ses actions pour sortir du champ de la performance en escalade avec les spectacles de danse-escalade
- sa capacité à imaginer et à réaliser contre vents et marées, des projets hors-norme qui se situent dans une autre forme de pratique que la seule recherche de la performance en montagne.
Ce sont les voyages alpins qui ont marqué toute la fin de sa vie.
Cela commence en septembre 1991 :
Traversée complète en solitaire du massif du Mont Blanc par un enchaînement d'itinéraires difficiles.
Ouverture d'une nouvelle voie au mont Rouge de Peuterey - Arête intégrale de Peuterey - Pilier Central du Freney.
Traversée du mont Blanc et des aiguilles de Chamonix, du Grépon, des grands Charmoz, des petits Charmoz et de l’aiguilles de l'M.
En août 1992, Patrick renoue avec l’esprit de cordée, avec Fred Vimal, ils réalisent la super-intégrale de Peuterey dans une longue journée: face ouest de l'aiguille Noire, voie Gervasutti à l'aiguille Gugliermina, pilier central du Freney, sommet du Mont-Blanc.
Du 28 février au 3 mars 1997 : avec
Francis Bibollet, une semaine de grand alpinisme : face Nord des Droites par la Colton, face Nord des Grandes Jorasses par la goulotte McIntyre, traversée des Grandes Jorasses-arêtes de Rochefort, Grand Pilier d'Angle par la goulotte Cecchinel-Nominé, Mont-Blanc par l’Hypercouloir.
Les règles sont posées : une prévision météo « sur mesure », préparée par l'ami routeur de Chamonix, Yann Giezendanner, mais aucun moyen de liaison mécanique, ni hélico, ni voiture, ni téléphérique, un vélo s'il faut faire un bout de route.
Du 12 au 18 février 1998, c'est avec
Bruno Sourzac qu'il repart cette fois pour les 4 grandes faces qui se trouvent au-dessus du glacier noir (Ecrins). Pelvoux voie Ginel-Pinard, Pic Sans Nom voie Georges-Russenberger, Pic du Coup de Sabre voie Chapoutot-Prieur, Ailefroide Devies-Gervasutti par la variante Gurékian.
En janvier 2000 il traverse avec
Christophe Frendo le massif des Aravis.
D'août 2000 à février 2001, il entreprend « La grande traversée des Alpes », tantôt seul, tantôt entouré d'amis :
Patrick Gabarrou,
Patrick Edlinger,
Ottavio Fassini,
Gaël Bouquet des Chaux,
Valérie Aumage,
Philippe Magnin.
Au cours de ce voyage alpin qui le fait connaître du grand public, naîtra la « cordée magique » Berhault/Magnin.
Durant ce voyage de 167 jours qui le mènera de la Slovénie à Menton, 22 sommets et voies majeures sont gravis.
Du 11 février au 5 mars 2003, en 2 sessions : avec Philippe Magnin, prenant pour camp de base le bivouac Eccles, installé sur le versant italien du Mont-Blanc, ils enchaînent seize voies extrêmes dans l'envers du Mont Blanc.
Un « voyage glaciaire » sur 8 voies : Brouillard givrant, Cascade notre dame, Hypercouloir du brouillard, Hyper-goulotte, Abominette, Fantomastic, Freynesie Pascale, Grand couloir du Freney, suivi d'un « voyage rocheux » sur 8 autres voies mythiques.
Pilier nord du Freney, Pilier dérobé du Freney, Pilier central du Freney, Pilier sud du Freney, Pilier central du Brouillard, Pilier droit du Brouillard, Pilier rouge du Brouillard, Pilier gauche du Brouillard.
Mars/Avril 2004 : enchaînement des 82 sommets de plus de 4000 m des Alpes, voyage au cours duquel il fait une chute mortelle sur l'arête du
Täschhorn au Dom le 28 avril, après avoir réussi le 64e sommet.
« J'ai besoin de cette esthétique. Grimper est pour moi une forme d'expression artistique. » Patrick Bérhault
Il ne faut surtout pas croire que Patrick se servait uniquement de ses talents techniques et physiques !
Ce qui l’a fait réussir autant de fois c’est la préparation de ses projets avec la plus grande minutie !!
Stéphane Benoist